L’usage de la lunette astronomique initié par Galilée et Kepler au début du XVIIe siècle suscita le développement d’instruments d’observation toujours plus grands destinés à étudier des astres de moins en moins lumineux et à détecter des détails de plus en plus fins. Depuis lors la course à la haute résolution angulaire n’a jamais cessé.

De l’ordre de un pouce (2,5 cm) de diamètre en 1609, les objectifs des lunettes atteignirent dix pouces (25 cm) vers 1820 et 40 pouces (1 m) vers 1900. Parallèlement, les miroirs en bronze des télescopes réflecteurs passèrent de 6 pouces (15 cm) au début du XVIIIe siècle à 72 pouces (1,80 m) au milieu du XIXe siècle.

Lord Rosse

Yerkes 40 inch

 "Mis en service en 1845, ce télescope possède un miroir de 1,83 m de diamètre. Placé dans un tube de 17 m de long, l’instrument est suspendu entre des murs orientés nord-sud de 15 m de haut. Appelé le Léviathan, l’instrument construit à Parsonstown (Birr) en Irlande par Lord Rosse reste le plus grand télescope du monde à miroir en bronze. À partir des années 1860, la construction des télescopes à miroir métallique sera progressivement abandonnée au profit de celle des télescopes à miroir en verre, beaucoup plus réfléchissants. Le premier miroir en verre surpassant en dimension le Léviathan sera celui du télescope de 100 pouces (2,54 m) mis en service au Mont-Wilson en 1917"1. "La plus grande lunette du monde jamais construite a été montrée en 1893 au public de l’exposition universelle de Chicago avant d’être installée en 1897 à l’observatoire Yerkes de Chicago. Son objectif de 102 cm de diamètre, coulé en France par Edouard Mantois, a été taillé par les célèbres opticiens américains de Cambridgeport (Mass.) Alvan Clark & Sons. La monture du télescope est due à la compagnie de Cleveland (Ohio) Warner & Swasey"2.  

En 1862, Foucault – à qui l’on doit l’invention des télescopes à miroir en verre, beaucoup plus réfléchissants que les miroirs en bronze – construisit un télescope de 80 cm de diamètre qui fut en 1864 installé à l’observatoire de Marseille. Avec ce télescope révolutionnaire commença une nouvelle course à la haute résolution avec des miroirs géants qui atteignirent 5 m de diamètre au milieu du XXe et plus de 10 m en 2005.

Entretemps la course aux très grandes lunettes avait cessé. À l’occasion de l’exposition universelle de Paris en 1900, le constructeur français Paul Gautier avait construit à ses frais une lunette beaucoup plus puissante que « la plus grande lunette du monde » mise en service à l’observatoire Yerkes (Wis., USA) trois ans plus tôt. Avec ses 60 m de long et son objectif de 1,25 m de diamètre, elle attira la foule de l’exposition mais ne trouva pas acquéreur. Cette expérience malheureuse qui mena Gautier à la faillite sonna le glas des lunettes géantes.

Exhibition 1900

"Pièce phare du « Palais de l’optique », la grande lunette de l’exposition de 1900
possédait un objectif de 1,25 m de diamètre et de 57 m de focale. Ne pouvant être installée dans une coupole,
elle était fixée horizontalement sur des piliers maçonnés orientés nord sud
et recevait la lumière des astres grâce à un sidérostat de Foucault
équipé d’un miroir plan mobile géant de 2 m de diamètre"3.

En 1868, Fizeau eut le premier l’idée d’utiliser l’interférométrie pour accroître la résolution d’un télescope : deux petits miroirs disjoints positionnés sur la surface d’un grand miroir virtuel permet d’atteindre la résolution qu’aurait le grand miroir. En 1873 son collègue Stephan testa cette méthode avec le télescope de 80 cm de l’observatoire de Marseille. En 1890, au retour d’un séjour à Paris dans le laboratoire de Fizeau, le physicien américain Michelson mesura par interférométrie le diamètre des quatre satellites de Jupiter. Puis Michelson et son assistant Pease conçurent un interféromètre qui installé aux extrémités d’une poutre placée sur le télescope de 100 pouces de l’observatoire du Mont-Wilson leur permit en 1920 de mesurer pour la première fois le diamètre d’une étoile.

Reprenant dans les années 1970 les travaux de Michelson restés sans suite, Antoine Labeyrie imagina de substituer à l’installation d’un interféromètre sur un seul télescope le couplage interférométrique de plusieurs télescopes. En 1974 il réussit à faire interférer la lumière d’une étoile captée par deux petits télescopes installés à l’observatoire de Nice au sommet du Mont-Gros (375 m), ouvrant ainsi avec cet « Interféromètre à deux télescopes » (I2T) la voie aux grands interféromètres actuels du Chili et de Hawaï.

Crédits des images

1. Robert Stawell Ball "The Story of the Heavens". Cassell and company, Limited. London, 1900, p.18.

2. Yerkes Observatory, wikipedia.

3. Léon Barré "La Nature", 1899, I, p. 169.

Texte par Françoise Le Guet Tully